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16 mars 2024

L’artisan et l’artiste


Du désert marocain dont je suis revenu il y a une semaine je n’ai ramené qu’un souvenir : un caillou ramassé au hasard de ma dernière journée de marche. Un caillou parmi d’autres, innombrables, sur  le plateau que j’arpentais en fin de trek, l’un de ces fameux “regs” à l’aspect lunaire.

Le hasard de ma cueillette minérale a bien fait les choses. Ce caillou est une merveille. Étrangement “aplati” sur deux côtés il possède ainsi deux “socles” qui permettent de mettre en valeur sa forme très pure, sa courbe elliptique parfaite, sa couleur unie (brun marron chocolat profond) et son grain apparent bien que très lisse. Une splendeur. Quel sculpteur a fait cette merveille ? 

On pourrait dire que le temps géologique est un  artiste indépassable. Mais pour que l‘œuvre existe il fallait que j’extraie cette pierre de son immensité anonyme, que je le déplace de son champ d’origine, que je lui attribue des qualités esthétiques. Ce caillou c’est un “ready-made” naturel, comme le sont aussi par exemple, les « bois flottés » que certains se plaisent à collecter sur des rivages, ou les coquillages ramassés sur les plages, ou les galets dans les rivières…

Et finalement ce n’est peut-être pas tout à fait par hasard que je l’ai ramassé, lui plutôt que d’autres, parmi les pierres qui étaient à mes pieds au moment où je me suis penché avec le projet de garder un souvenir de ce beau moment.

La nature est un artisan incomparable, mais l’artiste c’est l’homme. Le désert m’a offert ses formes et ses matières, son long travail avec les éléments, son infinie patience, son atelier sans limites, mais le créateur c’est moi…

Yves Gerbal, 15 mars 2024

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18 février 2024

Prière

Hier soir, vers minuit, j'ai eu une révélation...
Je devais écrire une version "spiritualiste" de la prière "Notre Père" de ma tradition chrétienne. Alors, je l'ai fait.
Dans la foulée, j'ai pensé à une version plus militante, "idéaliste". Alors, je l'ai écrite aussi.
Une prière n'est jamais vaine, même si le ciel est vide et l'humain désespérant.
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Notre Esprit, qui es partout,
quel que soit ton nom,
que ton calme advienne,
que ton souffle nous parvienne
ici et maintenant.
Aide-nous aujourd'hui
à accueillir ce jour.
Renforce notre présence,
à chaque respiration,
pour unir nos consciences.
Et ne nous laisse pas entrer en division
mais offre-nous ta Paix.
Ainsi soit-il.
*******************************************
Notre Idéal, qui es pour ce monde,
que ton nom soit rappelé
que tes valeurs s'imposent
que notre volonté soit forte
partout sur la Terre.
Donne-nous aujourd'hui
la force de lutter.
Accepte nos faiblesses
comme nous acceptons aussi
que rien ne soit parfait.
Et écarte de nous les corruptions
mais délivre-nous du capitalisme sauvage
et de tous les fanatismes.
En avant !
***********************************
ive, 9 février 2024
 

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Eloge de l'escalier

Ce matin les deux escalators de la station de métro (marseillais) Estrangin étaient en panne.
Que croyez -vous qu’il arriva ? Tout le monde grimpa les 100 marches à pied et… parvint au sommet !
Petits ou grands, maigres ou gros, jeunes ou vieux, tout le monde se hissa plus ou moins vivement jusqu’à la sortie.
J’attendis quant à moi une dame un peu forte que j’avais délestée de son lourd cabas à roulettes pour alléger sa progression verticale.
J’eus le temps de voir arriver plusieurs néo-grimpeurs qui de toute évidence n’appréciaient pas ce changement (très ponctuel) dans leurs habitudes.

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Art de rue

 
Comme la plupart de nos grandes cités Marseille offre le spectacle d’une ville aux murs souvent entièrement recouverts de « tags » dont le non-sens basique (ceci est mon blaze, ma signature, c est moi qui ai fait ça) me désole toujours autant surtout quand ces expressions purement dénominatives ne se soucient pas du support, se posent n’importe où sans respect d’aucun lieu, se superposent sans vergogne, s’additionnent pour finalement s’annuler, bref : salopent et souillent nos paysages urbains.
Cette calamité visuelle ne doit évidemment pas être associée aux « peintures murales », fresques bombées en tous genres, qui envahissent elles aussi de nombreux pans de murs dans l’espace public mais avec des qualités graphiques, picturales, inventives, qui font de la rue un musée pour tous, à ciel ouvert, gratuit, réjouissant d’imagination et de variété. Ces productions justifient le terme de « street-art » qui constitue sans contestation une branche nouvelle des arts visuels. Cet art a déjà son histoire, ses maîtres (de Pignon-Ernest à Banksy…), ses classiques, ses variations internationales.

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22 décembre 2023

L'utopie de la crèche

 
 
Plus que jamais cette année, je me plais à imaginer que Jésus est né… en Provence.
Avec des petits « saints » (santons), figurines d’argile, je reconstitue cet évènement comme je l’ai toujours fait : tout un peuple se presse vers l’étable où vient de naître un enfant qui se proclamera Dieu.
Cette année encore j’ai rajouté quelques « personnages » : une tricoteuse assise sur un banc, un peintre qui pourrait être Cézanne, et… un pèlerin de Compostelle !
Cela me ramène, comme beaucoup d’entre vous je suppose, à l’un des moments les plus purs de l’enfance.
Peu importe évidemment l’anachronisme entre cette Nativité en l’an 0 en Palestine et ces personnages de Provence au XIX eme siècle.
La crèche nous parle d’un monde rural, idéal, où chacun joue son rôle dans une petite communauté qui se rassemble autour d’un bébé né entre un âne et un bœuf.
Fils de Dieu, vraiment ? Peu importe. L’histoire est si belle. Et qu’importe que la mère soit Vierge et le père biologique ou non. Cette histoire me touche profondément. Tout ce petit peuple est guidé par l’étoile. Chacun, à sa manière, vient rendre hommage au miracle de la vie et rappeler que chaque enfant est un Dieu.
2000 ans après, la Palestine est une terre de terrifiantes tragédies. La Provence n’est plus seulement ruralité et traditions. Les modèles des santons d’aujourd’hui ont bien changé.
Mais la crèche résiste. Elle nous offre la possibilité de conserver cette fameuse « âme d’enfant » qui nous permet de croire encore à l’utopie d’une communauté dont les membres ravis marchent tranquillement vers un même but.
Les enfants de Palestine, d’Israel, d’Ukraine, de Provence, du monde entier, ne demandent qu’une chose : la paix. Et nous, adultes, ne devrions consacrer toute notre énergie qu’à cela.
Jouer à la « crèche » ne change rien, mais perpétue le rêve d’un monde apaisé, au moins un moment. Il faut continuer à transmettre les récits, même les plus utopiques, qui disent ce rêve de paix. C’est peu de chose. Mais imaginez que cela aussi disparaisse…
Yves Gerbal, 8 décembre 2023

Faut-il croire au Père Noël ?

C’est la question que j’ai proposée aujourd’hui à celles et ceux qui suivent mon séminaire de philosophie à l’Université du Temps Libre….

On pourrait la croire relativement anecdotique, et bien sûr elle est en partie suggérée par l’époque de l’année. En fait elle se révèle beaucoup plus profonde qu’elle n’en a l’air et mérite tout à fait d’être approchée sous l’angle philosophique. 

Sans entrer trop dans le détail de nos riches échanges je voudrais ici synthétiser brièvement les enjeux de la question. Le Père Noël c’est (aussi) une chose sérieuse, ce qui ne nous empêche pas d’en perpétuer les vertus magiques…

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28 novembre 2023

Le temps de l'amour

Une amie experte en littérature ayant dit du mal de ce livre, j’ai eu envie de le lire. Ma réaction peut sembler d’autant plus masochiste que je n’apprécie pas particulièrement l’auteur (contemporain), pour des raisons de postures et d’idéologie. François Bégaudeau est surtout connu pour avoir écrit « Entre les murs », complaisante description de l’univers d’un collège de banlieue (où il enseigna), qui fut adapté au cinéma par Laurent Cantet, et nommé aux Césars en 2008 . Bref, j’aurais dû passer mon tour de lecteur, cette fois.

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18 novembre 2023

Bibliomanie

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Pendant très longtemps il m’était absolument impossible de me débarrasser d’un livre. Quel qu’il soit à partir du moment où il était arrivé chez moi.
J’en étais totalement incapable.
Chaque livre lu (et systématiquement annoté) restait dans ma bibliothèque, soigneusement rangé selon des critères tels que je peux immédiatement le retrouver si nécessaire. Les autres, « pas encore lus », trouvaient une place dans une bibliothèque auxiliaire, en attente.
Et puis il y a quelques années j’ai accepté de faire un premier « dégraissage ». Ce ne fut pas facile.
Pourquoi me suis-je imposé cette épreuve alors que je pouvais agrandir encore mon espace bibliothèque ? Parce que j’ai voulu me prouver que le « détachement » (version bouddhiste) que j’essayais d’appliquer à toute chose matérielle devait aussi concerner cet objet culte, cet objet qui n’est pas qu’un objet. Je voulais  en être capable.
Il y avait aussi une raison d’ordre quasi esthétique. J’aime les beaux alignements de livres mais je ne voulais pas une bibliothèque saturée à laquelle je n’aurais plus pu ajouter le moindre ouvrage. Et puis je refusais l’option agrandissement qui aurait peu à peu ressemblé  à un envahissement.
Ma volonté très affirmée de retrouver «l’essentiel » (version développement personnel) devait aussi s’exprimer par un tri dans mes livres. « Less is more «  dis-je toujours. Il fallait être cohérent.
J’ai donc pour la première fois il y a quelques années passé toute la bibliothèque en revue et en ai extrait les ouvrages dont je n’avais qu’un vague souvenir, ceux dont je savais que je ne les relirais jamais, ceux dont je savais que je ne les exploiterais jamais dans mes cours…
Moment charnière dans ma vie avec les livres.
Mais le plus difficile vint ensuite.
Que faire de ces recalés ? De ces exclus ? Aucun livre rare. Aucune valeur marchande. Et impossible de les jeter, bien sûr.
Je pouvais accepter de me séparer de ces livres mais pas de les abandonner !
Heureusement j’ai pu, grâce à celles et ceux qui suivent mes cours à l’Université du Temps Libre, leur trouver de nouveaux adoptants bienveillants. Il était capital de m’assurer qu’ils n’étaient pas perdus, qu’ils avaient simplement changé de maison.
Rassuré par cette possibilité de transmission je fais désormais régulièrement un tri qui allège les rayons de ma bibliothèque, lui donne de l’air, lui offre une nouvelle respiration, et… laisse la place à de nouveaux venus !
Je sais, plus que jamais, ce que je ne relirai pas. J’accepte de laisser partir des œuvres, même classiques, sur lesquelles je ne travaillerai plus. Et puis il y a le rayon « art » que j’ai beaucoup dégraissé, délaissant de nombreux documents reçus à mon époque de chroniqueur culturel et devenus anecdotiques. Je ne veux pas alourdir mon avenir de tous les souvenirs de mon passé. Seul compte le présent (version Eckart Tollé). Je crois savoir maintenant de quoi je veux m’entourer  et ne plus m’encombrer. Oui, « Less is more « : je me centre sur des essentiels qui fondent ce que je suis aujourd’hui.
Voici donc (photo) ma « nouvelle » bibliothèque, où j’ai pu en plus retrouver de la place pour quelques objets que j’aime disposer sur les étagères et qui créent une sorte de ponctuation au milieu des rayonnages.
Cette bibliothèque je la considère comme une œuvre. Elle est ma création. Elle est à mon image.
Je me rends compte aussi aujourd’hui que vouloir tout garder et tout afficher en murs de livres dans mon domicile était probablement une déclinaison de ma vanité  : regardez tout ce que j’ai lu ! La quantité d’ouvrages, impressionnant le visiteur, flattait mon ego…
J’essaie (ça reste difficile) de dépasser cette stupide prétention. Je n’ai plus rien à prouver. Il me reste (un peu) à vivre au milieu de ces livres choisis comme au milieu d’amis qui m’ont toujours accompagné et ont contribué, à leur manière, à faire de moi ce que je suis…


Yves Gerbal

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05 novembre 2023

En vers (de terre) et en prose…

Selon l’expression consacrée voilà un livre que j’ai « dévoré ». Cela ne m’était plus arrivé depuis… je ne sais plus, mais très très longtemps !
« Humus » est un roman, écrit par un philosophe (mais pas que) : Gaspard Koenig. J’ai fait sa connaissance il y a quelques semaines à la soirée inaugurale de la Semaine de la Pop Philosophie à Marseille. J’avais vaguement entendu parler de lui avant, notamment lorsqu’il était parti sur les traces de Montaigne en faisant le même voyage en Europe, et à cheval, comme lui. Ce genre de projet, vous vous en doutez, me « parle ».
Au théâtre de La Criée le brillant Normalien (qui s’est aussi frotté à la politique) a bien parlé là aussi, et m’a vraiment donné envie de m’embarquer dans son histoire de « vers de terre ».
Car son « Humus » nous ramène à l’essentiel : notre sol nourricier, et ses indispensables habitants. Mais attention, ce n’est pas du Bernard Werber (l’auteur des « Fourmis » que j’aime bien par ailleurs). Avec Koenig on est plutôt chez Houellebecq et Balzac. Réalisme et satire. Son « Humus » c’est un peu « Les particules élémentaires » et « Les illusions perdues » réunies.
Je ne vous dirai rien du récit ni des personnages si ce n’est que le thème global en est la préoccupation écologique, les stratégies et les pratiques plus ou moins morales, les contradictions et les convictions, la préoccupation pour l’avenir de notre planète… Tout cela vu… du sol.
Et le résultat est juste captivant. Presque 400 pages : lu en un jour et demi ! Dévoré, vous dis-je !
Avec ses vers de terre Gaspard Koenig a réussi à mon avis à écrire le grand roman qu’on attendait sur notre époque et notre société traversées par la crise climatique qui est aussi et surtout une crise des valeurs.
Très documenté, hyper réaliste et férocement satirique, Koenig trouve toujours le ton juste , mi didactique mi humoristique. Il tape fort parce qu’il parle de milieux sociaux, de communautés culturelles, de coteries idéologiques, de groupes générationnels, qu’il connaît bien pour les avoir pratiqués. C’est souvent cinglant, et hilarant, mais c’est aussi très riche en réflexions essentielles sur le sujet. Koenig n’est pas philosophe pour rien. Le dosage est parfait.
Quant au style, s’il n’est pas flamboyant, il est simplement parfaitement adapté à son récit, entre simplicité réaliste et lyrisme teinté d’ironie. Oui, décidément, très Houellebecquien. Mais que cet adjectif surtout ne vous effraie pas !
« Humus » figure dans les 4 derniers nominés pour le Prix Goncourt qui sera décerné après-demain. Je vote pour lui, sans hésiter. D’autant plus que je n’ai pas lu les 3 autres…
 

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23 juillet 2022

La leçon de théâtre de Philippe Caubère

On va au festival d’Avignon pour découvrir une pièce parmi des milliers. On va à Avignon sans vraiment savoir ce que l’on cherche et donc évidemment ce que l’on va
 trouver. On va à Avignon pour faire la part belle  à des petites compagnies, à des troupes en devenir, à des débuts de carrière.
Et puis au hasard d’une déambulation place de l’Horloge  on tombe par hasard sur une affiche parmi des milliers d’autres qui propose le spectacle de Philippe Caubère a partir de textes de Alphonse Daudet. On n’était pas venu pour ça. On n’était pas venu pour lui. Mais le hasard est aussi souvent un signe. Alors on fonce  à « La condition des Soies ». L’horaire est favorable. C est  une chance. On entre  à 19h30 dans cette salle demie circulaire à haute coupole. On a fait un peu des pieds et des mains pour se trouver au tout premier rang,  au plus près de cet acteur que l’on connaît bien, que l’on a si souvent vu seul en scène, depuis si longtemps. On craint  peut-être d’être déçu. Serait-ce la représentation de trop ? Une redite ? Va-t-on se lasser ? 
Ca commence. Caubere entre en scène avec pour simple appareil les mots de Daudet, quelques lumières, des bouts de musique, une mise élégante de dandy félibrige. Ça commence, et c’est magique. Si peu de choses : un comédien, un texte. Et tout ce que cela fait exister : paysages, personnages, lieux, objets, drames, comédies…
Une fois encore Philippe Caubere nous offre une leçon de théâtre. 
Il lui suffit d’un regard, d’un geste, d’une intonation, pour faire apparaître le marin corse, les naufragés de la Sémillante, la plaine de Camargue, les taureaux dans la tempête, un couple de vieux, un berger amoureux sous les étoiles…
Bien sûr tout cela c’est d’abord Daudet, auteur tellement injustement minoré, qui en a fait matière littéraire, mais Caubère donne à ces textes merveilleusement écrits un écrin qui les exalte, amplifie leur effet, et nous permet de les graver en nous. Il incarne par sa voix ensoleillée les moments de grâce de l’écrivain enivré par les  beautés du sud, par cette Provence qu’il contemple avec tous ses sens. 
C est donc un grand moment de pur bonheur théâtral que l’on peut vivre à la Condition des Soies.
On en ressort tout joyeux, souriant, gai et pimpant. Daudet a pourtant parcouru toute la palette de la comédie humaine, douleurs et tragédies. Mais savoir que l’on peut ainsi jouer la vie, aussi simplement, et mettre à distance un instant la dureté du monde sur une scène, cela ne nous sauve de rien mais nous offre une parenthèse enchantée. Peut-on espérer davantage dans notre époque trouble que cet éphémère enchantement? Alors ne vous  en privez surtout pas. Allez sous les étoiles de Provence avec Philippe Caubère retrouver la magie du théâtre éternel…
Yves Gerbal
« Les Étoiles et autres lettres », au théâtre La condition des soies. Festival d’Avignon, le Off.