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28 novembre 2023

Le temps de l'amour

Une amie experte en littérature ayant dit du mal de ce livre, j’ai eu envie de le lire. Ma réaction peut sembler d’autant plus masochiste que je n’apprécie pas particulièrement l’auteur (contemporain), pour des raisons de postures et d’idéologie. François Bégaudeau est surtout connu pour avoir écrit « Entre les murs », complaisante description de l’univers d’un collège de banlieue (où il enseigna), qui fut adapté au cinéma par Laurent Cantet, et nommé aux Césars en 2008 . Bref, j’aurais dû passer mon tour de lecteur, cette fois.

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18 novembre 2023

Bibliomanie

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Pendant très longtemps il m’était absolument impossible de me débarrasser d’un livre. Quel qu’il soit à partir du moment où il était arrivé chez moi.
J’en étais totalement incapable.
Chaque livre lu (et systématiquement annoté) restait dans ma bibliothèque, soigneusement rangé selon des critères tels que je peux immédiatement le retrouver si nécessaire. Les autres, « pas encore lus », trouvaient une place dans une bibliothèque auxiliaire, en attente.
Et puis il y a quelques années j’ai accepté de faire un premier « dégraissage ». Ce ne fut pas facile.
Pourquoi me suis-je imposé cette épreuve alors que je pouvais agrandir encore mon espace bibliothèque ? Parce que j’ai voulu me prouver que le « détachement » (version bouddhiste) que j’essayais d’appliquer à toute chose matérielle devait aussi concerner cet objet culte, cet objet qui n’est pas qu’un objet. Je voulais  en être capable.
Il y avait aussi une raison d’ordre quasi esthétique. J’aime les beaux alignements de livres mais je ne voulais pas une bibliothèque saturée à laquelle je n’aurais plus pu ajouter le moindre ouvrage. Et puis je refusais l’option agrandissement qui aurait peu à peu ressemblé  à un envahissement.
Ma volonté très affirmée de retrouver «l’essentiel » (version développement personnel) devait aussi s’exprimer par un tri dans mes livres. « Less is more «  dis-je toujours. Il fallait être cohérent.
J’ai donc pour la première fois il y a quelques années passé toute la bibliothèque en revue et en ai extrait les ouvrages dont je n’avais qu’un vague souvenir, ceux dont je savais que je ne les relirais jamais, ceux dont je savais que je ne les exploiterais jamais dans mes cours…
Moment charnière dans ma vie avec les livres.
Mais le plus difficile vint ensuite.
Que faire de ces recalés ? De ces exclus ? Aucun livre rare. Aucune valeur marchande. Et impossible de les jeter, bien sûr.
Je pouvais accepter de me séparer de ces livres mais pas de les abandonner !
Heureusement j’ai pu, grâce à celles et ceux qui suivent mes cours à l’Université du Temps Libre, leur trouver de nouveaux adoptants bienveillants. Il était capital de m’assurer qu’ils n’étaient pas perdus, qu’ils avaient simplement changé de maison.
Rassuré par cette possibilité de transmission je fais désormais régulièrement un tri qui allège les rayons de ma bibliothèque, lui donne de l’air, lui offre une nouvelle respiration, et… laisse la place à de nouveaux venus !
Je sais, plus que jamais, ce que je ne relirai pas. J’accepte de laisser partir des œuvres, même classiques, sur lesquelles je ne travaillerai plus. Et puis il y a le rayon « art » que j’ai beaucoup dégraissé, délaissant de nombreux documents reçus à mon époque de chroniqueur culturel et devenus anecdotiques. Je ne veux pas alourdir mon avenir de tous les souvenirs de mon passé. Seul compte le présent (version Eckart Tollé). Je crois savoir maintenant de quoi je veux m’entourer  et ne plus m’encombrer. Oui, « Less is more « : je me centre sur des essentiels qui fondent ce que je suis aujourd’hui.
Voici donc (photo) ma « nouvelle » bibliothèque, où j’ai pu en plus retrouver de la place pour quelques objets que j’aime disposer sur les étagères et qui créent une sorte de ponctuation au milieu des rayonnages.
Cette bibliothèque je la considère comme une œuvre. Elle est ma création. Elle est à mon image.
Je me rends compte aussi aujourd’hui que vouloir tout garder et tout afficher en murs de livres dans mon domicile était probablement une déclinaison de ma vanité  : regardez tout ce que j’ai lu ! La quantité d’ouvrages, impressionnant le visiteur, flattait mon ego…
J’essaie (ça reste difficile) de dépasser cette stupide prétention. Je n’ai plus rien à prouver. Il me reste (un peu) à vivre au milieu de ces livres choisis comme au milieu d’amis qui m’ont toujours accompagné et ont contribué, à leur manière, à faire de moi ce que je suis…


Yves Gerbal

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05 novembre 2023

En vers (de terre) et en prose…

Selon l’expression consacrée voilà un livre que j’ai « dévoré ». Cela ne m’était plus arrivé depuis… je ne sais plus, mais très très longtemps !
« Humus » est un roman, écrit par un philosophe (mais pas que) : Gaspard Koenig. J’ai fait sa connaissance il y a quelques semaines à la soirée inaugurale de la Semaine de la Pop Philosophie à Marseille. J’avais vaguement entendu parler de lui avant, notamment lorsqu’il était parti sur les traces de Montaigne en faisant le même voyage en Europe, et à cheval, comme lui. Ce genre de projet, vous vous en doutez, me « parle ».
Au théâtre de La Criée le brillant Normalien (qui s’est aussi frotté à la politique) a bien parlé là aussi, et m’a vraiment donné envie de m’embarquer dans son histoire de « vers de terre ».
Car son « Humus » nous ramène à l’essentiel : notre sol nourricier, et ses indispensables habitants. Mais attention, ce n’est pas du Bernard Werber (l’auteur des « Fourmis » que j’aime bien par ailleurs). Avec Koenig on est plutôt chez Houellebecq et Balzac. Réalisme et satire. Son « Humus » c’est un peu « Les particules élémentaires » et « Les illusions perdues » réunies.
Je ne vous dirai rien du récit ni des personnages si ce n’est que le thème global en est la préoccupation écologique, les stratégies et les pratiques plus ou moins morales, les contradictions et les convictions, la préoccupation pour l’avenir de notre planète… Tout cela vu… du sol.
Et le résultat est juste captivant. Presque 400 pages : lu en un jour et demi ! Dévoré, vous dis-je !
Avec ses vers de terre Gaspard Koenig a réussi à mon avis à écrire le grand roman qu’on attendait sur notre époque et notre société traversées par la crise climatique qui est aussi et surtout une crise des valeurs.
Très documenté, hyper réaliste et férocement satirique, Koenig trouve toujours le ton juste , mi didactique mi humoristique. Il tape fort parce qu’il parle de milieux sociaux, de communautés culturelles, de coteries idéologiques, de groupes générationnels, qu’il connaît bien pour les avoir pratiqués. C’est souvent cinglant, et hilarant, mais c’est aussi très riche en réflexions essentielles sur le sujet. Koenig n’est pas philosophe pour rien. Le dosage est parfait.
Quant au style, s’il n’est pas flamboyant, il est simplement parfaitement adapté à son récit, entre simplicité réaliste et lyrisme teinté d’ironie. Oui, décidément, très Houellebecquien. Mais que cet adjectif surtout ne vous effraie pas !
« Humus » figure dans les 4 derniers nominés pour le Prix Goncourt qui sera décerné après-demain. Je vote pour lui, sans hésiter. D’autant plus que je n’ai pas lu les 3 autres…
 

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