25 décembre 2009
Le Tr@cT n°45
Mailons nous les uns les autres ...
24 décembre 2009
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“ Allier le pessimisme de l’intelligence à l’optimisme de la volonté”
Antonio Gramsci
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J’aurais voulu...
C’est Noël... Pas vraiment un scoop, mais faisons au moins semblant de croire que c’est une bonne nouvelle... Et souvenons-nous que depuis que des rois et magiciens sont venus se prosterner dans une étable aux pieds d’un bébé qui deviendra célèbre, et lui faire quelques offrandes parfumées au fin fond d’un pays qui fera souvent l’info... depuis ce jour, qui n’était évidemment pas un 25 décembre, il est de bon ton de s’offrir des cadeaux. Enfin, je crois. A vrai dire, je n’ai pas fait de recherches sur l’origine de la tradition. Mais ce que je sais, c’est que des cadeaux, il s’en fait. Des quantités, des listes, des chariots, des coffres, des hottes, des cheminées entières... La tradition, ça a du bon... pour le commerce. Cela dit, faire des cadeaux peut être aussi un acte de générosité, une forme de fraternité... peut-être... mais on peut pas toujours faire les cadeaux qu’on voudrait...
Moi, par exemple, cette année, j’aurais voulu vous offrir un pacte écologique international sur le changement climatique, mais ils n’ont pas réussi à le produire assez tôt pour les fêtes (et c’est peut-être même un produit qu’on ne verra jamais en magasin).
J’aurais voulu vous offrir un président des USA qui soit un vrai porteur de paix, qui s’engage vraiment à réclamer des comptes à Israël et qui soit le leader du combat pour préserver la planète, mais être un premier Président américain noir ne suffit pas à résoudre les problèmes, et puis ça fait beaucoup pour un seul homme, et même pour un seul pays, y compris le plus puissant.
J’aurais voulu vous offrir une Chine démocratique et un Tibet libre, mais ça, je l’ai pas trouvé non plus dans les boutiques.
J’aurais voulu, peu avare de bons sentiments et d’idées généreuses, vous offrir aussi un peu plus de paix dans ce monde, mais on m’a expliqué que ça se vendait très mal et que du coup ils en avaient plus depuis longtemps. Pas besoin d’aller demander ailleurs, c’est partout pareil.
J’aurais voulu vous offrir la fin du trafic d’armes et de drogue, mais on m’a dit qu’il fallait bien faire marcher le commerce et que faire ce genre de cadeaux c’était tuer la poule aux œufs d’or. Et sans or, que deviendrait-on, hein ? J’aurais voulu vous offrir la fin de la corruption et de la mafia, mais on m’a dit que je risquais d’avoir des problèmes avec le service après-vente. On ne me garantissait rien...
J’aurais voulu vous offrir au moins une France sans chômeurs, sans SDF, sans misère, mais on m’a dit que c’était la crise, et que je ne trouverais pas ça non plus de sitôt. J’ai demandé si je pouvais revenir après la crise, on m’a dit que je pourrais toujours essayer mais qu’il fallait pas trop y compter. Dans de nombreuses boutiques proches de chez moi, on m’a dit aussi que c’était à cause d’un Président trop petit, ou trop ceci, ou trop cela, mais j’ai cru comprendre que nous étions tous des nains, de toute façon, entre les mains de certains géants.
J’aurais voulu vous offrir la fin des religions qui encombrent l’esprit et légitiment l’intégrisme, mais on m’a fait comprendre que l’homme avait horreur du vide et remplissait son ciel d’idoles plus ou moins anthropophages qui nous bouffent la vie. Pas question de me vendre ça, donc. Je sais, ce cadeau-là, au moment où l’on célèbre l’anniversaire d’un enfant plutôt sympa qui nous a dit de nous aimer les uns les autres, aurait peut-être été un peu déplacé... J’ai rien de spécial contre le bébé dans l’étable, ni rien contre le hippy barbu qu’il est devenu. Le problème c’est que c’est toujours après que ça se gâte. Les disciples sont rarement à la hauteur des maîtres... Et puis même lui, c’est pas pour gâcher la fête que je le dis, mais sa naissance a provoqué le massacre des innocents... Mais revenons plutôt à la quête du cadeau-Graal...
J’aurais voulu vous offrir la baguette magique qui soigne toutes les maladies, qui empêche la mort des enfants et soulage les souffrances des plus agés, mais on m’a dit qu’on avait pas ça en magasin non plus.
Et puis, grand fou, j’ai même pensé vous offrir un monde caressant, un monde comme je le rêve, le jardin des délices de Bosch, un monde de bulles sensuelles et de cocons intellectuels, poétique et érotique, un monde de lèvres et de livres, une société de conversations gaies et raffinées, d’amitiés joyeuses, un monde ivre de verbe et de vie... Il aurait été très peace and love, mon cadeau... Très éloigné des besoins vitaux, je sais... Mais j’y peux rien si ma petite utopie ne connaît pas la crise...
Ne dites pas que ça vous aurait pas plu ... Pour Noël, au moins, essayons de dire vraiment ce qui nous ferait plaisir au lieu de ressasser de vieilles litanies, des formules usées, et de s’offrir toujours les mêmes cadeaux qui s’accumulent, encombrent et polluent la planète pendant que trois quarts de notre humanité a d’autres préoccupations que de courir les boutiques...
Manquant finalement d’imagination, j’ai voulu vous offrir un peu d’amour : c’est un classique, mais j’ai pourtant pas trouvé. Pas de rupture de stock. Non. On m’a dit que les usines ont fermé. Ou qu’elles ont été délocalisées. Loin. Très loin. Tellement loin qu’on sait même plus où c’est. Plus d’approvisionnement possible. Trop cher. On ne sait pas très bien. On ne sait même plus si un jour on en a eu... C’est flou. C’est une affaire assez mystérieuse, finalement. Beaucoup de rumeurs, peu de certitudes. On a eu même l’air de vouloir me faire comprendre que c’était encore un coup des géants qui faisaient tout pour que les gisements d’amour restent inconnus des nains que nous sommes... D’autres m’ont dit : les classiques, c’est has been, les modes changent, faut s’adapter... Je suis passé pour un ringard...
Et voilà comment je me suis retrouvé, la veille du grand jour, sans rien à vous offrir. Désolé. Désappointé. Un peu perdu.
Alors j’ai essayé de bricoler un cadeau moi-même... et j’ai composé un petit tr@ct de rien du tout, un petit bout d’humanité, un truc qui m’a pas coûté cher, je l’avoue... Mais j’ai essayé au moins de soigner le paquet cadeau, de choisir un beau papier verbal, de faire de jolies ganses avec les mots.
Je vous envoie donc ces quelques mots sans désespoir et sans espoir, des mots pour vous dire que si je pouvais, j’aimerais vous aimer tous, mais je sens bien que c’est pas possible... et d’ailleurs, est-ce bien raisonnable ? Et puis c’est quoi, c’est où, l’amour, en effet ? On pourrait peut-être dire : c’est se faire des cadeaux. Mais nos cadeaux ne sont pas toujours totalement désinteressés... Alors quoi ? Bref, je vous fais un cadeau qui ne me coûte rien (c’est bien pour moi), qui est peu carboné (c’est bien pour la planète), et qui vous fera peut-être au moins sourire (c’est bien pour vous). Tout bénéf ! Je suis pas loin d’avoir trouvé, finalement, le cadeau idéal...
Et puis plutôt que de vous envoyer un lourd père Noël barbu et comme chaque fois calfeutré dans son manteau rouge à fourrure blanche, j’ai demandé à une pin-up de Gil Elvgren, légère et court-vêtue, de venir vous apporter aussi son lot de cadeaux virtuels. A vous d’imaginer ce que chaque boîte peut contenir... Faites-vous plaisir...
Ah oui, j’allais oublier ! J’aurais voulu vous offrir aussi la méthode miracle pour retrouver la chaussette manquante dans le panier à linge, mais ça on l’a pas encore inventé et c’est tout de même dommage, vous trouvez pas ?
Yves Gerbal, tracteur de Noël...
PS : “Ô vous, frères humains, vous qui pour si peu de temps remuez, immobiles bientôt et à jamais compassés et muets en vos raides décès, ayez pitié de vos frères en la mort, et sans plus prétendre les aimer du dérisoire amour du prochain, amour sans sérieux, amour de paroles, amour dont nous avons longuement goûté au cours des siècles et nous savons ce qu’il vaut, bornez-vous, sérieux enfin, à ne plus haïr vos frères en la mort. Ainsi dit un homme du haut de sa mort prochaine”
(Albert Cohen, Ô vous, frères humains dernières lignes)
19:05 Publié dans Humeurs, Tr@cts | Lien permanent | Commentaires (1)
Commentaires
Joyeuses Fêtes et Meilleurs Vœux à vous et tous ceux qui vous sont chers
Écrit par : Philippe | 25 décembre 2009
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