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21 avril 2019

Notre-Flamme qui êtes sur Terre...

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Notre-Flamme qui êtes sur Terre…
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Je découvre, par nécessité mais aussi par choix, l’usage d’un smartphone dernière "génération" et je réalise (naïvement?) à quel point rien ne peut résister à l'emprise technologique qui, désormais, sert de seule religion possible hormis certains résidus actifs de croyances anciennes qui s'expriment néanmoins encore de manière archaïque (voire barbares) mais qui utilisent aux-aussi les outils technologiques modernes.
Le binôme capitalisme-technique a remplacé le duo politique-religion pour maintenir les masses en servitude. Les centres commerciaux se sont remplis à mesure que les églises se vidaient. Les temples sont ceux du commerce, du sport, du divertissement. Ou ceux de ces religions encore en vogue pour des peuples qui ont 5 siècles de retard et concilient aujourd’hui leur crédulité crétine et parfois dangereuse avec certaines formes de modernité.
On pleure sur les planches et les pierres de Notre-Dame de Paris, mais ne nous faisons pas d'illusion : Dieu est désormais ailleurs. Demain il ne sera pas dans une cathédrale, relookée ou pas. Les hommes seront toujours aussi stupidement idolâtres mais ils vénéreront le dernier robot le plus performant élaborée par les transhumanistes ou bien de vieilles prophéties qu'on leur sert encore en soupe commune pour leur donner une identité qu'ils ne savent pas trouver en eux-mêmes.
Notre-Dame de Paris reconstituée sera une belle attraction touristique à laquelle on aura consacré des millions d'euros pendant que le monde brûle, à tous les sens du terme, entre un savoir ultra-technologique et l'influence pérenne des croyances tenaces liées à un "Livre" unique.
Depuis cet incendie accidentel qui a touché ce bois sacré (ah, la fameuse « forêt » du 13ème siècle !) et ces pierres si bien taillées par de géniaux artisans moyen-âgeux, on nous chante avec des trémolos dans la voix les louanges de ce lieu si "symbolique".
Tant pis si cela paraîtra iconoclaste voire provocateur, mais je ne me réjouis pas que nous ayons encore, au XXIème siècle, comme lieu emblématique intouchable, un bâtiment qui fut fondé par une religion monothéiste. Et pourtant j'adore Victor Hugo. Et pourtant je suis (et je ne renie rien ) issu d'une tradition catholique dans ce qu'elle a de meilleur (charité, générosité, empathie). Et pourtant je sais bien que cette part d'histoire est une part essentielle de notre culture (mais qui est ce "nous"?). Et pourtant je cherche moi aussi une forme de vie de l'esprit comme certains de ceux qui s'asseoient sur les bancs de Notre-Dame (pas très nombreux tout de même). N'empêche.
Cet incendie, terrible, est peut-être un signe (divin? envoyé par E-T ?) : il nous oblige à considérer notre définition du spirituel, et notre rapport au passé. De manière concrète, il nous pose deux questions : qu’est-ce qui est vraiment sacré pour nous ? Comment faire du futur avec notre passé ?

Et pour l’instant les réponses apportées confirment les tares de notre époque et son incapacité à vraiment philosopher, c’est à dire à prendre du temps et à pouvoir s’autoriser à penser « contre ».
Que voit-on, en effet ? Unanimisme émotionnel, précipitation, excès. Tout le monde devient « Notre-Dame », on prend des décisions hâtives, l’énormité des dons est obscène.
Nous pourrions prendre cet accident comme un moment de transition qui ne renie pas le passé mais accepte l’impermanence, même du « sacré », m^me de nos fameuses "vieilles pierres". Voilà pourquoi refaire ND à l’identique serait une régression. Voilà pourquoi il faudrait en profiter pour répartir les dons à un patrimoine plus étendu et des causes tout aussi importantes que ce fameux "symbole". Voilà pourquoi, bien que triste, je ne suis pas « abattu » par un incendie, fut-il celui de cette magnifique cathédrale, balise parisienne et nationale, balise historique et culturelle, que j’ai si souvent visitée moi aussi, comme tant d'autres… Tout passe. Et même les civilisations sont mortelles… La bibliothèque d’Alexandrie, elle aussi, a brûlé, et cela marqua le début de la « Renaissance » européenne…
Alors, pour autant, je ne préconise pas d’ouvrir un Apple Store sur le toit devenue terrasse de ND ni d’en faire un rooftop pour des fêtes massives, fussent-elles dyonisiaques. Mais je verrais bien un bel espace clair et paysager dédié à la méditation, une sorte de cloitre laïque, une ode à la planète (si elle est sauvée) notre vraie « Mère », et au corps (naturel ou pas) notre seul « véhicule », qui est sacré. Un espace de silence au coeur de la ville, un espace de paix et d‘introspection, de recueillement, de contemplation.
Comme avant, en fait, me direz-vous ? Comme avant, oui, mais sans Dieu. Jésus a-t-il vraiment besoin d’être « fils de » pour nous inspirer ?
Les ruines de ND pourraient devenir les fondations d’une nouvelle ère pour l’humanité, celle où l’homme, enfin débarrassé d’un Dieu "inhumain", pourrait comprendre qu’il est lui-même ce dieu qu’il cherche depuis toujours dans des fables variées et qu’il est le seul responsable de sa vie, et par là, de la vie de tous.
L’incendie de ND pourrait être perçu alors, peut-être, comme ce que Hegel appelle « une ruse de la raison ». Cette catastrophe marquerait le début d’une reprise en main par l’homme de son destin. C’est urgent. Pendant que ND brûle, la banquise fond beaucoup plus vite que prévue, des attentats font 200 morts dans des églises au Sri Lanka, et la capitale du Yemen, joyau historique patrimonial, est dévastée comme le fut, par exemple, Palmyre en Syrie… Entre autres.
Notre-Dame brûle ? Il est rassurant, au fond, de se dire que ce n’est pas si grave. Notre essentiel est ailleurs : c’est la flamme qui est en chacun de nous et que personne, pas même la mort, ne pourra éteindre. Là se trouve mon sacré. Que faire de cette flamme ? Là est ma question. J’espère, un jour, pouvoir chercher ene moi-même une réponse à l’abri des tours de Notre-Dame rebaptisée Notre-Flamme, en ayant déposé à l’entrée du site mon Iphone dernière génération…
Yves Gerbal
21 avril 2019