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07 janvier 2007

Fragments d'un discours (sur la) politique...


1) Qu’est-ce que (que devrait-être ?) la politique ? C’est chercher comment ça pourrait aller mieux pour le plus grand nombre de personnes (la collectivité), sans pour autant aliéner chaque membre de cette collectivité (l'individu). Autrement dit : concilier le cercle (l’individu, la famille, le petit groupe), et le carré (la société, les lois, les grands groupes). La politique, c’est la quadrature du cercle…

2)
A-t-on raison de penser en termes de collectivité ou est-ce illusoire ? Quelle place tient chaque individu dans ce groupe ?
Au nom de quoi ? Dans quel but ? Qui compose cette collectivité ? Sur quoi se fonde-t-elle ? Des lois ? Des coutumes ? Une culture ? Une morale ? Des valeurs ? Que partagent ceux qui composent cette collectivité ? Une langue ? Un territoire ? Une histoire ? Des mythes ? 

3) Quelle question fondamentale se pose-t-on avant de voter ?  Je ne peux m'empêcher de me demander : est-ce que ça irait mieux avec (par exemple) la gauche  ? Mais est-ce que ça irait mieux pour qui ?   La question n’est-elle pas le plus souvent : est-ce que ça irait mieux... pour moi ? Donc, si je suis riche, je fais en sorte de pouvoir rester riche, et je vote pour ceux qui vont m'aider à rester riche (voire plus). Si je suis pauvre, je fais en sorte de pouvoir devenir moins pauvre et je vote pour ceux qui me promettent que je pourrai être moins pauvre. Si je suis fonctionnaire, je fais en sorte de garder mes avantages de fonctionnaire. Si je suis patron je fais en sorte de pouvoir continuer à faire des affaires et du profit. Si je pense que je vis dans un environnement de merde, je vote pour celui qui me croit et pas pour celui qui me fait croire que ça sent la rose. Si je n’ai pas d’interêt individuel et que je vis dans un environnement globalement favorable je peux me permettre d’avoir de belles convictions ... Logique. Humain, très humain, trop humain (comme dirait l’autre…). Chacun voit (ou veut) midi à sa porte. Sommes-nous condamnés à  cette somme d'égoïsmes ? Que faire de cette addition ? Une élection ? Est-ce bien raisonnable ?

4) La politique est un dosage d’idéalisme et de positivisme, entre idéologie (comment je voudrais que le réel soit ) et pragmatisme (comment le réel est). La gauche, en général, aime le subjonctif, le mode du virtuel, du possible non accompli. La droite, en général, préfère l’indicatif, le mode du réel, de ce qui s’accomplit. On ne peut se passer ni de l’un ni de l’autre. On peut reprocher à l’indicatif d’être trop ancré au réel. Mais on ne peut pas non plus parler toujours au subjonctif...

5) Le capitalisme c'est " chacun pour soi et que le meilleur gagne " et le communisme c'est " un pour tous, tous pour un, et nous gagnerons tous ". C'est vrai, les Mousquetaires sont plus sympathiques. Mais la vie est-elle un roman ?

6) Comment faire pour que ça aille mieux ? Faut-il être "antilibéral" ?  Mais “antilibéral”, ça veut dire quoi ? Je n’ai toujours pas compris ce que peut-être un gouvernement “antilibéral”. En toute logique son programme devrait être :  nationalisation de toutes les entreprises (pour ne plus dépendre des patrons), planification de l'économie (pour ne plus subir les lois du marché), collectivisation de l'agriculture (pour nourrir tout le monde, et sans OGM). Il me semble que ça me rappelle quelque chose...

7) Le capitalisme met l'argent au centre de tout, fait de l'échange (monétaire) la valeur ultime, le capitalisme est sauvage donc cruel, le capitalisme est un monstre, un truc envahissant qui se glisse partout, un virus... Le communisme (ou équivalent) est un refus du réel, c'est un animal doux, agréable à voir derrière des barreaux, qui se transforme en ogre dès qu'il s'échappe de sa cage... On est mal barrés...

8) On n’a pas trouvé mieux que le libéralisme pour créer de la richesse. Mais créer des richesses c’est créer des inégalités.
Faut-il alors renoncer à créer des richesses ? Vivre dans un pays riche n’est pas toujours facile. Mais vivre dans un pays pauvre n’a pas l’air simple non plus... 

9) Il y a beaucoup plus de pauvres que de riches, et pourtant ils ne sont pas les plus forts. Parce que les riches ont les armes (de persuasion...), et le pouvoir (même s’ils ne sont pas au pouvoir). Mais aussi parce que quand un pauvre prend le pouvoir, il prend très vite des habitudes de riche.

10) Alors, vive l’anarchie ? Le pouvoir de personne, c’est le pouvoir livré au plus fort. Chaque " vacance " du pouvoir est chaos. Les anarchistes qui croient que sans pouvoir ça irait mieux sont aussi dangereux que les ultra-libéraux qui veulent que les Etats soient faibles pour pouvoir faire ce qu’ils veulent…
Faut-il supprimer toute sorte d'autorité ? OK. On le fait. Allez zou, tout le monde fait ce qu'il veut, et ça roule. Qu'est-ce qui se passe ? Tiens, merde, les plus faibles se font tabasser. Que fait la police ? Il n'y a plus de police puisqu'il n'y a plus de pouvoir. Tiens, ce mec se fait tuer. Que fait la justice ? Il n'y a plus de justice puisqu'il n'y a plus de pouvoir. Il n'y a plus de loi, il n'y a donc que la loi de la jungle. Tiens, c'est bizarre, ça ressemble au capitalisme...

11)  Pour éviter de croire que nous avons (en France) les pires hommes politiques, ou que nous vivons dans une société absolument liberticide, il suffit de voyager un peu, et pas forcément très loin... A nos “tous pourris”, préférons-nous les Etats totalement corrompus, ou bien la terreur intégriste, ou les chefaillons ethniques et leurs sbires à kalachnikov ? Finalement, on est pas mal en France : on peut même y crier, pour faire son intéressant, “Elections pièges à cons”, pendant que partout dans le monde d’autres luttent et meurent pour obtenir le droit de voter. On peut même s’y moquer de tous les hommes politiques. Par contre on ne peut pas toujours se moquer de toutes les religions. Cherchez l’erreur.

12) Qui a vraiment le pouvoir ? Le politique, l’économique, le médiatique, le religieux, les francs-maçons, les trafiquants de drogue, la mafia, Georges Bush, Eros, les terroristes, Dieu, les multinationales, Thanatos, mon patron, ma femme...? Si l’on considère que les politiques n’ont aujourd’hui plus de pouvoir, comment se fait-il que l’on se préocccupe tout de même de leurs discours ? S’ils n’ont plus de pouvoir, faut-il s’en réjouir ou s’en inquiéter ? A qui profite cette faiblesse du politique ?

13) La fonction du pouvoir est d’éviter au plus faible d’être livré aux caprices du plus fort. Mais comment faire pour éviter d’être livré aux caprices du pouvoir ? « Si l'État est fort, il nous écrase, s'il est faible, nous périssons »  Paul Valéry

14) Pour faire de la politique il suffit généralement d’une formule, d’un slogan. Un nom+ un adjectif. Quelques exemples : la force tranquille (81), la fracture sociale (95), la rupture tranquille (2007 ? ), l’ordre juste(2007 ? )... La politique ressemble de plus en plus à la publicité. Peu de mots, beaucoup d’images. Mais ceux qui critiquent les politiques ont aussi leurs mots-clés ou leurs rimes qui se substituent à la pensée. Un exemple : autoritarisme, Sarko-facho...
La syntaxe est simple, elle aussi. Chaque phrase doit commencer par "La vérité c'est que...”. Ceux qui sont dans l’opposition réclament toujours une "vraie" politique, de "vraies" mesures... sans savoir ce que c'est mais en sachant ce que ce n'est pas (ce que dit l'autre, celui du camp d'en face).

15) Il est facile de dire qu’une pensée de parti n'est qu'une partie de pensée. Mais c’est malheureusement vrai, et pas  seulement pour les militants. C’est vrai pour tout le monde. Qui est véritablement libre de dire ce qu’il pense ? Qui est capable de penser en dehors (au-delà) de son clan, de sa caste, de sa corporation, de sa tribu (sociale, culturelle) ? Qui a le courage de dire que ses pairs ont peut-être tort ? Un test : essayer d’imaginer à l’avance ce que va dire l’un ou l’autre.  Quels sont les discours inattendus, discordants, en “rupture” avec la pensée de parti, d’appareil, de groupe de pression, ou avec “l’opinion publique”... Il faudrait faire de la politique comme on fait du spiritisme : esprit libre, es-tu là ?...

16) Que penserais-je de la vie si j'étais né dans une banlieue pourrie (par exemple) ? Si j’étais noir ou arabe et vivant en France (par exemple) ? Est-on condamné à penser comme là où l’on est né (néné?) avec ce que l’on est quand on naît (nez cantonais?) ? La vie m’a fait des cadeaux. Dois-je cracher dessus ? Si je suis nanti, dois-je me taire ? Je me suis seulement donné la peine de naître (comme me le reprocherait Figaro)... Mais que ferais-je également si j’étais patron d’une petite entreprise, voire d’une grande ? Que ferait Besancenot s’il était Ministre ?  Laguiller si elle était Présidente ? A sa place, tu ferais quoi : voilà un autre test intéressant, mais à condition de jouer tous les rôles. Je serais le voleur et tu serais le gendarme. D’ac ! mais après on change.

17) Peut-on penser en dehors de sa classe ?  Si oui, comment ? Si c’est non il faut admettre la lutte des classes (air connu) et rentrer dans le lard de ceux d’en face. Trêve de bla-bla : vive les Brigades Rouges ! Mais que se passe-t-il si on change de classe ? Se remet-on à tirer sur ceux d’en face, nos amis d’hier ? Ou bien, peut-on abolir les classes sociales pour en finir avec cette guerre ? J’attends vos propositions. Pas celles de Marx :  je les connais déjà.

18) On peut reprocher à toutes les sortes de “candidats” d’être trop intéressés par le résultat de la  course, mais les courses politiques ne sont pas les Jeux Olympiques de Coubertin : l’important n’est pas seulement de participer. Il y a deux types de candidats : ceux qui veulent gagner (et auxquels on reproche de vouloir gagner), et ceux qui seraient bien embêtés de gagner (mais qui disent du mal de ceux qui veulent gagner). D’ailleurs, aux Jeux Olympiques aussi, il y a longtemps qu’il ne s’agit plus seulement de participer...

19) La démocratie ? On connaît le mot de Churchill : " La démocratie est le pire des systèmes à l'exception de tous les autres". La démocratie risque de mourir de démocratie. Elle porte en soi les germes de sa ruine. L’obsession (légitime) de la liberté individuelle ou communautaire  débouche sur une incapacité à vivre ensemble. Dans Rhinocéros (Ionesco), un personnage dit “et si ça lui fait plaisir de devenir rhinocéros ? ”. Il vient un jour où cet argument, associé à son exploitation par le marché ou par l’idéologie, devient tout puissant... On ne peut rien lui opposer. Aujourd’hui la démocratie est écartelées entre la folie individualiste (récupérée par le consumérisme) et l’hystérie communautariste (récupérée par l’intégrisme). On lui reproche de rogner les libertés individuelles, et pendant ce temps ces mêmes libertés sapent le pouvoir démocratique...

20) La beauté de la démocratie est dans la voix donnée au peuple. Mais le peuple a-t-il toujours raison ?  Si demain une majorité du peuple élit un président extrêmiste, faudra-t-il aussi penser que le peuple a raison ? On loue toujours la sagesse du peuple quand le peuple vote comme nous.

21) Elections : puisqu’il faut plaire à une “majorité”, comment la démocratie ne serait-elle pas condamnée à n’être plus qu’une autre version de la course à l’audimat, surtout quand le pouvoir principal de conviction est entre les mains d’un média ultrapuissant (la télévision), quand la rhétorique essentielle est celle de l’image, et quand le seul tableau de bord est celui des sondages d’opinion ?
22) Il se pourrait qu’une des lois de la politique (française ?) soit la suivante : plus on propose des réformes nécessaires, plus on est impopulaire, plus on est impopulaire moins on a de chances d’être réélu. Il faut donc choisir : faire ce qui est nécessaire ou vouloir être élu. Il faudrait toujours élire le plus impopulaire : il y a des chances alors que quelque chose change.

23) L’échange est une des données fondamentales des sociétés humaines. Deux tribus se rencontrent : on ne fait pas l’amour tout de suite. Soit on fait la guerre, soit on fait du commerce. On peut regretter l’évolution des formes de cet échange en guerre économique, ou que la guerre soit un commerce, mais on ne peut pas empêcher les hommes de faire des affaires... L’échange culturel vient plus tard, et l’exogamie aussi.  L’espèce humaine a paraît-il évolué : hélas, nous ne sommes plus des bonobos...
 
24) Alors faut-il nier l'argent ? Faut-il arrêter toute sorte de commerce ? Préfère-t-on le troc ?  La pénurie ? Le marché noir ?Comment financer les services publics si on ne crée plus de richesses ?  Les Chinois ont tout compris : communiste pour l’idéologie, libéral pour les affaires. Le top.

25)
On peut penser que le commerce, comme la propriété, c’est du vol (merci Proudhon, merci Rousseau), mais les hommes sont-ils prêts à renoncer à toute forme de propriété et à toute forme de commerce ?  Si on pense que non, on est forcément “libéral”, ce qui signifie simplement que l’on prend acte de la réalité d’un besoin intangible des sociétés humaines.
Les anti-libéraux et les ultra-libéraux ont un point commun : ils déforment cette réalité. Les uns parce qu’ils ne la voient pas. Les autres parce qu’ils ne voient qu’elle.

26) La politique est-elle incompatible avec les bons sentiments ? Oui. Mais ce n’est pas une raison pour ne pas avoir de sentiments.

27)  On a le droit de préférer l’utopie à la réalité. Mais il est malhonnête de faire croire que l’utopie peut être la réalité. Quand ont veut forcer le réel à ressembler à une utopie, ça se termine toujours très mal. Au mieux c’est inefficace. Au pire c’est meurtrier. Et ce n’est pas que de la littérature...

28)
Qu'y a-t-il de plus important pour essayer d'assurer le bien-être du plus grand nombre ? La justice. Mais comment faire pour que la justice soit juste une justice juste  ?

29) Il faudrait être gouverné par des saints. Mais souvent ceux que l’on prend pour des anges finissent par faire les bêtes.  Finalement, je préfère me contenter d’un homme (ou d’une femme). On peut néanmoins exiger qu’ils nous montrent un bout  d’auréole... même carrée...

30) En politique aussi, il faut peut-être chercher la voie du milieu. Bouddha ferait-il un bon Président ?

Conclusion provisoire :  faut-il en déduire que tout se vaut, que rien ne vaut, que tous se valent, ou qu’ils ne valent rien ? Nenni. Chaque choix, quel qu’il soit, engage. En politique aussi je crois à l’effet papillon. Alors, que chacun vole à sa manière. Le Tr@cT n’est qu’un battement d’ailes...